Astéroïde 2024 YR4 – Pourquoi le faire exploser est notre meilleure option

L’année dernière, une onde de choc a parcouru la communauté astronomique et le grand public lorsque des calculs préliminaires ont suggéré qu’un astéroïde (2024 YR4) pourrait percuter la Terre en 2032. Depuis, les télescopes les plus puissants ont affiné sa trajectoire et nous avons poussé un soupir de soulagement collectif. Notre planète est hors de danger. Ce gros rocher spatial n'a pourtant pas fini de faire parler de lui. Il conserve une probabilité de 4 % de s'écraser sur la Lune.

Quatre pour cent, cela peut sembler infime. C'est le genre de risque que l'on accepte sans sourciller au quotidien. Mais à l'échelle cosmique, lorsque les conséquences sont potentiellement cataclysmiques pour nos activités spatiales, ce chiffre est suffisamment élevé pour mobiliser les plus grands esprits de la NASA et d'autres institutions scientifiques. La communauté scientifique se doit d'être prête. En effet, un impact sur la Lune ne serait pas un simple spectacle pyrotechnique lointain. Les astronomes ont des preuves solides suggérant qu'une telle collision pourrait éjecter une quantité phénoménale de débris et de micrométéoroïdes en orbite terrestre basse. Ces projectiles, voyageant à des vitesses vertigineuses, représenteraient une menace mortelle pour nos satellites, nos infrastructures spatiales et, plus grave encore, pour les astronautes à bord de l’ISS.

Asteroide 2024 YR4, NASA aumenta a 3.1% la probabilidad de impacto ...

Face à ce scénario du pire, que faire ? Une nouvelle étude, soumise au Journal of the Astronautical Sciences et disponible en prépublication sur le serveur arXiv, explore nos options. Des chercheurs de la NASA et de plusieurs institutions américaines y évaluent méticuleusement les stratégies possibles pour dévier ou détruire l'astéroïde avant qu'il n'atteigne la surface lunaire. Leur conclusion est aussi surprenante que radicale. Notre meilleur pari serait de le faire exploser. À première vue, cette méthode semble être une solution extrême. Traditionnellement, la déviation est la stratégie privilégiée. En “poussant” gentiment un astéroïde pour modifier sa trajectoire, on s'assure qu'aucun de ses fragments ne menace ni la Terre ni la Lune. Faire exploser un objet céleste, c'est risquer de transformer une menace unique et prévisible en une multitude de petits projectiles imprévisibles.

Pourtant, pour que la déviation fonctionne, elle doit être exécutée avec une précision chirurgicale. Et c'est là que le bât blesse. Le succès d'une telle manœuvre dépend de notre connaissance de l'ennemi et nous en savons finalement très peu sur 2024 YR4. En 2022, la NASA a brillamment démontré la faisabilité de la technique de l'impacteur cinétique avec la mission DART (Double Asteroid Redirection Test), qui a percuté la petite lune astéroïdale Dimorphos pour altérer son orbite. Mais reproduire cet exploit est plus facile à dire qu'à faire.

El asteroide 2024 YR4, de cerca: con esta web de la NASA puedes seguir ...

Pour dévier 2024 YR4 avec précision, les scientifiques doivent connaître sa masse afin de calculer l'énergie exacte nécessaire pour le pousser hors de sa trajectoire. C'est un peu comme jouer au billard cosmique, mais sans connaître le poids de la boule. Grâce au télescope spatial James Webb, nous savons qu’il mesure environ 60 mètres de diamètre. Mais sa masse dépend de sa densité, qui elle-même dépend de sa composition. Est-ce un agglomérat de roches poreuses et légères ou un bloc de métal dense ? Nous l'ignorons. Selon les chercheurs, sa masse pourrait se situer n'importe où entre 33 millions et 930 millions de kilogrammes. Cette marge d'incertitude est gigantesque. Une poussée trop faible serait inutile, tandis qu'une poussée trop forte ou mal orientée pourrait avoir des conséquences désastreuses, comme le dévier par inadvertance vers la Terre. Pourrait-on envoyer une mission de reconnaissance pour l'étudier de plus près ? Oui, mais la fenêtre de lancement optimale serait en 2028, ce qui ne laisserait que trois ans à l'agence pour concevoir et construire la mission de déviation finale. Un délai jugé irréaliste. Face à ces obstacles, les chercheurs ont conclu que la déviation était une option trop impraticable et risquée.

La destruction apparaît donc comme l'option la plus viable. Les auteurs de l'étude décrivent deux approches principales. La première est une mission de “disruption cinétique robuste”. Le principe est similaire à la mission DART, mais avec une force décuplée. Au lieu de simplement pousser l'astéroïde, l'impacteur viserait à le pulvériser en de multiples fragments. Bien que cette technique n'ait jamais été testée, la NASA aurait un délai raisonnable pour la développer, avec une fenêtre de lancement possible entre avril 2030 et avril 2032. La seconde option est encore plus spectaculaire et tout droit sortie d'un film hollywoodien. Le choix du nucléaire (oui, vous avez bien lu). Il s'agirait de faire détoner une charge nucléaire à proximité, à la surface ou même sous la surface de 2024 YR4 pour le désintégrer. Cette méthode n'a jamais été testée non plus, mais elle est théoriquement possible et offre une puissance de fragmentation inégalée. La fenêtre de lancement pour une telle mission se situerait entre fin 2029 et fin 2031.

Il nous reste encore sept ans avant que 2024 YR4 ne nous rende visite. Il est très probable qu'il passe à bonne distance de la Lune sans causer le moindre problème. Néanmoins, il nous offre une occasion rare de tester et d'affiner nos stratégies de défense planétaire. Il nous sert d'exercice grandeur nature, nous forçant à envisager des scénarios complexes et à développer des technologies qui pourraient, un jour, être décisives pour protéger notre foyer d'une menace bien plus directe. Car être prêt, c'est s'assurer que nous n'aurons jamais à compter uniquement sur la chance.

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