Bluesky revoit ses règles – Un virage vers plus de clarté et de dialogue avec les utilisateurs

Deux ans après son lancement, le réseau social Bluesky entame une refonte d’envergure de ses règles communautaires et de ses politiques internes. Concurrençant X, Threads et les réseaux ouverts comme Mastodon, la plateforme souhaite clarifier son cadre réglementaire, préciser ses procédures de sécurité et améliorer le processus d’appel pour les utilisateurs. Particularité notable, elle invite directement sa communauté à donner son avis sur certaines modifications avant leur entrée en vigueur.

Cette mise à jour intervient dans un contexte où les plateformes doivent s’adapter à de nouvelles réglementations internationales. Parmi elles, l’Online Safety Act au Royaume-Uni, le Digital Services Act en Union Européenne, ou encore le TAKE IT DOWN Act aux États-Unis. Ces lois imposent des obligations strictes en matière de protection des mineurs, de lutte contre les contenus illégaux et de transparence des pratiques de modération. Bluesky ne se limite pas à une adaptation juridique. L’entreprise affirme vouloir influencer positivement le comportement de ses membres en les incitant à plus de respect et d’ouverture. Ce repositionnement intervient après des critiques sur un climat jugé trop sérieux, parfois morose, et manquant de diversité d’opinions.

Pour répondre aux nouvelles exigences légales, elle a revu ses conditions d’utilisation. Les changements concernent notamment la sécurité en ligne et la vérification d’âge. Depuis juillet, la loi britannique impose aux sites diffusant du contenu pour adultes de vérifier celui des utilisateurs. Ainsi, au Royaume-Uni, certaines personnes doivent désormais scanner leur visage, fournir une pièce d’identité ou utiliser une carte bancaire pour accéder à Bluesky. La plateforme a également enrichi le processus de traitement des plaintes. Une nouveauté attire l’attention: la création d’une procédure informelle de règlement des différends. Elle propose ainsi de discuter directement avec vous par téléphone avant toute démarche officielle, estimant que la plupart des conflits peuvent être résolus de manière simple. Une approche rare dans le secteur, où des acteurs comme Facebook ou Instagram sont souvent critiqués pour la fermeture brutale de comptes, sans explications ni interlocuteur disponible. Autre changement intéressant, Bluesky permettra dans certains cas de porter un litige devant un tribunal, plutôt que de passer par un arbitrage privé, contrairement à la pratique courante dans l’industrie technologique.

La révision des Community Guidelines est sans doute le point qui suscite le plus d’intérêt. Vous pouvez actuellement donner votre avis, avant une entrée en vigueur prévue le 15 octobre 2025. Ces règles reposent sur quatre principes majeurs: la sécurité d’abord, le respect des autres, l’authenticité et le respect des règles établies. Ces orientations servent de référence aux décisions de modération. Elles déterminent si un contenu doit être signalé, supprimé, si un compte doit être suspendu, voire signalé aux autorités dans certains cas. Parmi les interdictions prévues, on retrouve l’incitation à la violence, l’automutilation, la maltraitance animale, la diffusion de contenus illégaux ou sexualisant des mineurs, le doxxing et la diffusion non autorisée d’informations personnelles, ainsi que le spam et les contenus malveillants. Des exceptions sont prévues pour le journalisme, la parodie et la satire. Un journaliste pourra ainsi évoquer des faits criminels, des problématiques de santé mentale ou prévenir des dangers liés à des défis viraux, tant que les informations sont présentées de manière factuelle.

Le terrain le plus sensible reste celui de la définition de ce qui constitue une menace, un préjudice ou un abus. Le respect des autres implique de ne pas diffuser de propos haineux, harcelants ou discriminatoires. Les nouvelles règles interdisent notamment les deepfakes exploitant l’image d’une personne, ainsi que tout contenu incitant à la haine ou à la discrimination fondée sur la race, la religion, l’orientation sexuelle, le genre ou le handicap. Bluesky a déjà rencontré des tensions dans ce domaine. Par le passé, certaines décisions de modération ont tendu ses relations avec la communauté noire, et d’autres avec la communauté trans. Plus récemment, le réseau social a été accusé d’adopter une ligne éditoriale trop marquée à gauche, ce qui aurait contribué à créer un climat peu tolérant envers les opinions divergentes et à réduire l’humour dans les échanges.

À ses débuts, Bluesky misait sur la personnalisation de la modération par les utilisateurs. La plateforme proposait des listes de blocage partagées, des services de modération optionnels et des outils de signalement adaptés à différents profils. Mais, dans la pratique, beaucoup ont préféré que la modération soit assurée directement par la plateforme, ce qui a conduit à des tensions avec l’équipe de confiance et sécurité, souvent critiquée lorsque ses décisions ne faisaient pas l’unanimité. En parallèle, elle a réécrit sa politique de confidentialité et sa politique sur les droits d’auteur afin de respecter les lois internationales sur la gestion des données, leur transfert, leur suppression, ainsi que sur les procédures de retrait de contenus et les obligations de transparence. Ces nouvelles versions entreront en vigueur le 15 septembre 2025, sans période de consultation publique.

Sous la pression réglementaire et face à une communauté aux attentes multiples, la plateforme tente de concilier liberté d’expression, sécurité et responsabilité. Le choix d’ouvrir la discussion avec les utilisateurs pourrait constituer un avantage décisif face à ses concurrents, à condition que ce dialogue se traduise par des actions concrètes et cohérentes. Reste à savoir si cette nouvelle approche permettra de créer l’espace d’échanges respectueux, diversifiés et dynamiques auquel Bluesky aspire depuis ses débuts.

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