Chrome – Un avenir compliqué

À qui appartiendra encore Chrome demain ? Le navigateur web le plus utilisé au monde est aujourd’hui au centre d’une tempête judiciaire qui pourrait bouleverser l’équilibre d’internet. Entre pressions antitrust et offres de rachat colossales, son avenir n’a jamais été aussi incertain.

Depuis plus de dix ans, Chrome domine le marché mondial des navigateurs web. Gratuit, rapide et intimement lié aux services de Google, il est devenu une porte d’entrée incontournable vers le Web. Mais la puissance de cet outil attire l’attention des régulateurs. En 2024, la justice américaine a estimé que Google avait abusé de sa position dominante en maintenant un monopole sur la recherche en ligne. En avril 2025, un second verdict a renforcé cette accusation, en jugeant que l’entreprise contrôlait également de manière déloyale la publicité numérique ouverte. Le DOJ (département de la justice des États-Unis) a alors demandé une mesure radicale: contraindre Google à céder Chrome. Une décision de justice est attendue d’ici la fin du mois.

Pour Alphabet, la maison mère de Google, cette éventualité représenterait un séisme. Chrome est non seulement un vecteur de distribution pour Google Search, mais aussi un observatoire unique sur les habitudes de navigation des internautes. Des analystes évoquent même un possible effondrement boursier de 15 à 25 % en cas de vente forcée, qualifiant ce scénario de véritable « cygne noir » pour l’entreprise. Cette dernière rejette évidement ces accusations de monopole. Dans un billet publié en mai, elle affirmait qu’un Chrome hors de son giron deviendrait rapidement obsolète et exposerait des milliards d’utilisateurs à des cyberattaques.

Chrome attise déjà les convoitises

Malgré les avertissements de Google, plusieurs acteurs de la tech se positionnent déjà pour racheter le navigateur web le plus populaire au monde.

Search.com, l’offensive d’une plateforme IA

La première offre officielle est venue de Search.com, une plateforme de recherche par intelligence artificielle. Elle a confirmé un rachat potentiel à hauteur de 35 milliards de dollars, soutenu par la banque américaine JP Morgan et plusieurs fonds d’investissement. Search.com appartient à Public Good, racheté en juillet dernier par Ad.com, un acteur historique du marketing digital. Pour Melissa Anderson, présidente de Public Good, Chrome représente « une opportunité phénoménale pour accélérer l’adoption » de leur moteur IA. Elle promet une utilisation éthique de l’intelligence artificielle et un accès gratuit à l’information. Grâce à son réseau publicitaire déjà solide, Search.com estime pouvoir monétiser Chrome sans difficulté.

Perplexity mise sur l’open source

Autre candidat sérieux, Perplexity, une autre start-up de recherche IA qui a lancé son propre navigateur natif, Comet, en juillet. L’entreprise a formulé une offre de 34,5 milliards de dollars, un montant supérieur à sa propre valorisation. Mais selon le Wall Street Journal, plusieurs investisseurs soutiendraient le projet. Perplexity s’engage à maintenir Chromium, le projet open source à la base de Chrome, tout en laissant Google comme moteur de recherche par défaut, avec la possibilité de le modifier dans les réglages. Une stratégie qui rassurerait une partie des utilisateurs.

OpenAI veut rééquilibrer la partie

De son côté, OpenAI ne cache plus son intérêt. Lors de l’audience antitrust d’avril, le responsable de ChatGPT déclarait que l’entreprise serait intéressée par un rachat de Chrome. Sam Altman, son PDG, a confirmé publiquement que si le navigateur était mis sur le marché, OpenAI « devrait y jeter un œil ». Pour la société, l’acquisition représenterait un moyen d’équilibrer les rapports de force face à Google. Même si elle ne dispose pas de la puissance financière d’Alphabet, Chrome lui offrirait une visibilité et un levier considérables dans l’univers de la recherche en ligne.

Yahoo, un retour stratégique inattendu

Enfin, Yahoo pourrait également entrer dans la course. Propriété du fonds Apollo Global Management, l’entreprise verrait dans Chrome une opportunité historique pour revenir au premier plan. Brian Provost, directeur général de Yahoo Search, a qualifié le navigateur de « joueur stratégique le plus important du web » lors d’une récente audience. Selon lui, un rachat permettrait à Yahoo de redevenir un acteur incontournable face à Google.

Un tournant historique pour internet

Chrome constitue la porte d’accès principale vers internet pour des milliards de personnes. C’est aussi un outil stratégique qui influence la recherche, la publicité et l’accès à l’information. Si un tribunal américain contraint Google à le céder, le bouleversement sera immense. Les candidats à la reprise promettent chacun un avenir différent: Search.com mise sur une IA accessible à tous, Perplexity sur l’innovation open source, OpenAI sur l’équilibre face aux géants, et Yahoo sur un retour en force historique. Mais une question demeure: Chrome peut-il réellement exister en dehors de l’écosystème Google ? Mountain View affirme qu’il perdrait en efficacité et en sécurité. Ses rivaux assurent au contraire qu’il pourrait gagner en indépendance et en innovation. Dans tous les cas, son avenir ne dépend plus seulement de Google. Une décision de justice imminente pourrait redistribuer les cartes du web mondial et ouvrir une nouvelle ère pour la navigation internet.

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