La purge chez xAI révèle un management par le chaos et le mépris
Il ne faut pas se laisser abuser par la communication tapageuse et les promesses de révolution technologique.
L'épisode récent des licenciements massifs chez xAI, l'entreprise d'intelligence artificielle d'Elon Musk, n'est pas le récit d'un pivot stratégique téméraire. C'est avant tout la démonstration crue et violente d'un style de management toxique, où le chaos sert de gouvernail et le mépris des employés est érigé en principe de fonctionnement. Derrière le masque du visionnaire se cache une fois de plus le visage d'un leader impulsif dont les caprices réorganisent la vie de centaines de personnes sans le moindre état d'âme.
La brutalité de la méthode est une signature. Annoncer à 500 personnes par un simple courriel un vendredi soir qu'elles perdent leur emploi n'est pas un signe d'efficacité, c'est un acte de mépris total. En coupant leur accès aux systèmes dans la minute même, l'entreprise ne se protège pas, elle humilie. Elle signifie à ceux qui ont passé des mois à éduquer son intelligence artificielle, Grok, qu'ils ne sont rien de plus que des ressources jetables, des lignes dans un tableur que l'on efface d'un clic. Ces “tuteurs IA” n'étaient pas des employés superflus. Ils constituaient le socle sur lequel le produit a été bâti. Les sacrifier de la sorte révèle une ingratitude profonde et une vision purement transactionnelle du travail humain.
Ce qui est présenté comme une stratégie mûrement réfléchie ressemble davantage à une semaine de panique et d'improvisation. La séquence des événements qui ont précédé la purge est révélatrice du désordre qui semble régner en maître. Des cadres qui disparaissent des canaux de communication sans explication, des entretiens individuels où l'on demande aux employés de s'évaluer les uns les autres et pour finir, l'absurdité de tests de dernière minute, conçus et annoncés dans la précipitation par un étudiant en congé de son cursus universitaire. Exiger de vos équipes qu'elles jouent leur carrière sur des tests portant sur les “shitposters” avec une échéance de quelques heures n'est pas une méthode de sélection innovante, c'est une farce tragique qui démontre un manque de sérieux et de respect pour les personnes concernées.
Le plus cynique dans cette affaire reste sans doute cette pirouette communicationnelle consistant à annoncer, dans la même soirée, le licenciement de centaines de généralistes et la volonté de décupler l'embauche de spécialistes. Cette manœuvre ne fait qu'exposer la froide réalité. Les employés de la première heure n'étaient qu'un échafaudage humain, utilisé pour construire les fondations avant d'être mis au rebut sans cérémonie. L'histoire de cet employé dont le compte a été désactivé pour avoir osé qualifier la méthode de “louche” est emblématique de cette culture de la peur, où la moindre critique est perçue comme un acte de sédition. C'est la marque d'un leadership qui ne tolère aucune remise en question, même la plus légitime.
L'affaire xAI n'est pas un incident isolé, mais la confirmation d'un schéma déjà observé chez Twitter et ailleurs. Un schéma où la loyauté est à sens unique, où les décisions sont prises sur un coup de tête et où le coût humain est systématiquement ignoré au profit de la narration personnelle du grand homme. On ne construit pas un avenir durable, et encore moins une intelligence artificielle bénéfique pour l'humanité, sur des fondations aussi instables et sur le mépris de ceux qui la bâtissent. Cet événement n'est pas le signe d'un génie stratégique, mais le symptôme d'une culture d'entreprise profondément défaillante, façonnée par l'ego d'un seul homme.