Romain Leclaire

Après avoir révolutionné notre interaction avec le monde numérique grâce à ChatGPT, OpenAI, le laboratoire de recherche en intelligence artificielle le plus en vue de la planète, semble désormais tourner son regard vers le monde physique. Loin des serveurs où naissent les conversations et les lignes de code, l'entreprise se lance dans une nouvelle quête ambitieuse, donner un corps à ses intelligences.

Des indices de plus en plus nombreux suggèrent qu'OpenAI accélère massivement ses efforts en robotique, avec une fascination particulière pour les systèmes humanoïdes, ces machines qui nous ressemblent. Cette nouvelle orientation stratégique pourrait bien être la prochaine étape importante dans sa marche vers l'intelligence artificielle générale (AGI). Les signaux de ce virage sont devenus impossibles à ignorer. Ces derniers mois, l’entreprise américaine a mené une campagne de recrutement agressive, débauchant des chercheurs de premier plan spécialisés dans les algorithmes d'IA pour le contrôle de robots humanoïdes.

Les offres d'emploi qu’elle a publié sont révélatrices. Elles dessinent les contours d'une équipe capable de créer des systèmes apprenant par téléopération et par simulation. La téléopération est une technique clé dans ce domaine: un opérateur humain contrôle les membres d'un robot pour accomplir une tâche, tandis qu'un algorithme observe et apprend à imiter ses actions. Les annonces mentionnent également une expertise requise dans des outils comme Nvidia Isaac, une plateforme de simulation largement utilisée pour entraîner des IA dans des environnements virtuels avant de les déployer dans le monde réel.

Des sources proches du dossier confirment cette tendance, indiquant qu'OpenAI recrute spécifiquement pour des projets liés aux robots humanoïdes. Un chercheur travaillant dans un laboratoire de pointe a même confié que l'entreprise avait déjà commencé à entraîner des modèles d'IA conçus pour mieux appréhender notre environnement physique, une compétence indispensable pour permettre à un robot de naviguer et d'interagir avec des objets de manière autonome.

Plusieurs embauches récentes confirment cette accélération. En juin 2025, Chengshu Li, venu de l'université de Stanford, a rejoint les rangs d’OpenAI. Ses travaux portaient sur des projets de robotique, notamment le développement de benchmarks pour évaluer les capacités de robots humanoïdes à effectuer une large gamme de tâches domestiques. D'autres chercheurs issus de laboratoires renommés ont également mis à jour leur profil LinkedIn, affichant fièrement leur nouvelle appartenance à l'entreprise de Sam Altman.

La grande question reste de savoir si cette dernière compte construire ses propres robots, utiliser du matériel existant ou nouer des partenariats réfléchis. Une offre d'emploi particulièrement intéressante, publiée il y a quelques semaines, recherchait un ingénieur en mécanique avec une expertise en prototypage et en construction de systèmes robotiques dotés de capteurs tactiles et de mouvement. Pour certains experts, cela pourrait signifier qu'OpenAI envisage de développer son propre hardware. Fait encore plus intrigant, l'annonce exigeait une expérience dans la conception de systèmes mécaniques destinés à une production en grand volume (plus d'un million d'unités). Une telle mention suggère des ambitions de production de masse, peut-être pour un déploiement dans des usines ou même, à terme, dans nos foyers.

Ce regain d'intérêt pour la robotique marque un retour aux sources pour OpenAI. L'entreprise avait déjà mené des recherches notables dans ce domaine, comme en 2019, lorsqu'elle avait développé un algorithme capable de résoudre un Rubik's Cube à l'aide d'une main robotique. En 2021, cependant, elle avait brusquement mis fin à ces activités pour se concentrer sur les modèles de langage qui ont donné naissance à ChatGPT. Aujourd'hui, le pendule semble revenir dans l'autre sens, porté par la conviction que l'AGI, cette intelligence hypothétique dépassant les capacités humaines, ne pourra être atteinte sans une interaction profonde avec le monde physique.

La firme n'entre pas dans une arène vide. La concurrence est féroce. Des startups spécialisées comme Figure, Agility et Apptronik ont déjà fait des avancées impressionnantes, tandis que des géants comme Tesla et Google investissent massivement dans leurs propres programmes de robots humanoïdes. Alors, pourquoi ce retour en force maintenant ? Une hypothèse fascinante émerge: et si la progression fulgurante des modèles de langage commençait à atteindre un plateau ? La déception relative entourant le récent GPT-5 fait partie d'une prise de conscience généralisée dans le milieu de l'IA. Pour continuer à progresser vers une intelligence véritablement humaine, de nouvelles voies de recherche sont nécessaires. L'interaction avec le monde physique pourrait être cette nouvelle frontière.

OpenAI semble parier que la prochaine grande avancée en intelligence artificielle ne se trouvera pas dans un texte ou une image, mais dans le geste d'une main robotique qui apprend à saisir une pomme, à plier un vêtement ou à naviguer dans le chaos d'une pièce désordonnée. Le créateur des esprits numériques les plus puissants au monde est désormais en quête d'un corps pour eux.