L’ultimatum de GitHub – Coder avec l’IA ou disparaître

Dans le secteur technologique, où les vagues d'innovation se succèdent à un rythme effréné, certaines déclarations résonnent plus fort que d'autres. Celle de Thomas Dohmke, PDG de GitHub, est de celles qui provoquent une onde de choc.

Dans un message sans détour adressé à la communauté mondiale des développeurs, il a posé un ultimatum qui a le mérite de la clarté: les ingénieurs logiciels doivent soit adopter l'intelligence artificielle, soit se préparer à quitter la profession. Cette affirmation, aussi directe que brutale, n'est pas une simple provocation, mais la pierre angulaire d'un billet de blog intitulé « Developers, Reinvented » (Les développeurs, réinventés), qui dessine les contours d'une transformation radicale du métier. Il ne s'agit plus seulement de la manière dont nous écrivons le code, mais de l'essence même de ce que signifie être un développeur aujourd'hui.

Pour étayer son propos, il s'appuie sur une série d'entretiens menés avec vingt-deux développeurs qui ont déjà profondément intégré l'IA dans leur quotidien. Leurs témoignages brossent un tableau sans équivoque: l'intelligence artificielle n'est plus une promesse lointaine, mais une nécessité présente. Citant l'un de ces pionniers, Dohmke écrit noir sur blanc: « Soit vous adoptez l'IA, soit vous mettez un terme à votre carrière ». Le message est passé. L'ère de la collaboration homme-machine n'est plus une option, c'est la nouvelle norme.

Cette déclaration s'inscrit dans ce que certains observateurs qualifient de stratégie marketing singulière, voire agressive, de la part des géants de l'IA. Au lieu de se contenter de vanter les mérites de leurs produits et de laisser les utilisateurs juges, certains dirigeants semblent opter pour une tactique de la peur. L'idée est de marteler que l'obsolescence guette quiconque refuserait de prendre le train en marche. Julia Liuson, une autre dirigeante de Microsoft, la société mère de GitHub, a récemment averti ses employés que « l'utilisation de l'IA n'est plus facultative ». La peur de manquer le coche devient ainsi un puissant moteur d'adoption, une méthode qui interroge autant qu'elle persuade.

Pourtant, au-delà de la stratégie commerciale, le changement décrit par le PDG de Github est bien réel. Il raconte comment de nombreux développeurs, sceptiques au début face à des outils comme GitHub Copilot qu'ils considéraient comme de simples gadgets, les voient désormais comme des collaborateurs indispensables. À force d'expérimentations, ces professionnels sont passés du doute à la stratégie. Ils ont appris à déléguer les tâches de codage répétitives à des agents d'IA, leur permettant de concentrer leur énergie et leur expertise sur des aspects à plus haute valeur ajoutée: la conception du contexte, l'ingénierie des prompts et la vérification rigoureuse du code généré.

Ce glissement n'est pas anodin. Les développeurs à l'avant-garde de cette transition rapportent que leur rôle a muté. Ils ne sont plus de simples « pisseurs de code », mais des architectes, des auditeurs de la production de l'IA. Dohmke rapporte qu'ils se décrivent eux-mêmes non plus comme des codeurs, mais comme des « facilitateurs de code » ou même des « directeurs créatifs du code ». L'humain se positionne en amont, pour définir la vision, et en aval, pour garantir la qualité, laissant à la machine la tâche d'exécution à grande vitesse.

Thomas Dohmke insiste sur le fait que cette transformation ne diminue en rien la valeur du développeur, elle la redéfinit. Ceux qui adoptent ces outils tôt ne deviennent pas superflus, ils acquièrent un formidable effet de levier. Le changement de mentalité est majeur. L'objectif n'est plus seulement d'optimiser la vitesse ou l'efficacité sur des tâches existantes, mais d'utiliser l'IA pour repousser les limites de ce qui est possible. Des projets de refactorisation à grande échelle ou la création de fonctionnalités complexes impliquant de multiples agents, autrefois jugés intimidants ou hors de portée, deviennent désormais réalisables.

Cette refonte s'accompagne cependant d'un défi de carrière impitoyable: s'adapter ou risquer de devenir obsolète. Selon les estimations des développeurs cités, l'IA pourrait automatiser jusqu'à 90 % de l'écriture du code d'ici deux à cinq ans seulement. Face à cet horizon vertigineux, les compétences qui feront la différence ne seront plus techniques au sens traditionnel. Les plus précieuses deviendront la conception de systèmes, la maîtrise de l'écosystème IA, la capacité à déléguer efficacement à des agents virtuels et, surtout, l'assurance qualité.

« Le rôle de développeur logiciel est engagé sur la voie d'un changement significatif. Tout le monde ne voudra pas faire cette transition », concède Dohmke. « Gérer des agents pour atteindre des résultats peut sembler peu gratifiant pour beaucoup, bien que nous soutenions que c'est ce que les développeurs ont toujours fait à un niveau d'abstraction inférieur, en gérant leurs ordinateurs via des langages de programmation pour atteindre des objectifs. »

En concluant son billet par un apaisant « et ce n'est pas grave », il semble jeter un rameau d'olivier. Mais il ne faut pas s'y tromper. Le sous-texte est glacial. Ce n'est pas grave que certains refusent le changement, car il y aura toujours d'autres professions pour eux. Le message de GitHub est clair, l'avenir du développement logiciel s'écrira avec l'IA, et ceux qui resteront sur le quai regarderont le train partir sans eux. La question n'est donc plus de savoir si cette révolution aura lieu, mais de décider de quel côté de l'histoire chaque développeur choisit de se tenir.

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