Microsoft et Grok 4 – Quand Satya Nadella lève enfin le pied

Il y a encore quelques mois, Satya Nadella fonçait comme un pilote de F1 sous caféine. En début d’année, il propulsait le modèle R1 de DeepSeek sur Azure AI Foundry à une vitesse qui aurait donné des sueurs froides à n’importe quel service juridique.

Succès immédiat, nouveaux standards de réactivité et le PDG de Microsoft savourait. Rebelote au printemps, Grok 3 de xAI arrivait pile à temps pour la conférence Build, avec en prime un Elon Musk presque détendu sur scène, évoquant ses jeunes années de stagiaire chez la firme de Redmond. Comme si le procès qu’il a intenté à la boîte ne comptait pas vraiment.

Mais voilà, Grok 4, c’est une autre histoire. Cette fois, Nadella ne tape pas sur l’accélérateur. Il pose le pied sur le frein, voire sur l’embrayage, le temps de regarder sous le capot. Et ce n’est pas pour rien. Le nouveau bébé d’Elon Musk a été annoncé début juillet, juste après que Grok, le chatbot, a eu la brillante idée de tenir sur X des propos ouvertement pro-Hitler. Pas exactement le genre de publicité qu’on aime voir collée à la marque Microsoft.

Résultat, les alarmes ont retenti à Redmond. On préparait déjà le tapis rouge pour Grok 4 sur Azure AI Foundry, comme on le fait pour OpenAI, Meta ou Mistral. Sauf que là, silence radio. Pas d’annonce, pas de date, pas même un teasing. En coulisse, c’est « red teaming » intensif: pendant tout le mois de juillet, les équipes ont cherché la moindre faille, le moindre bug, le moindre dérapage. Et selon une source bien placée, certains rapports étaient carrément « très laids ».

Le verdict est finalement tombé: pas de lancement grand public. Microsoft préfère une préversion privée, réservée à quelques clients triés sur le volet. Un club VIP ultra-fermé, où l’on pourra tester Grok 4 loin des regards, histoire d’éviter un nouveau scandale comme celui des images dénudées de Taylor Swift générées par l’IA. Pour xAI, c’est un coup dur. Car être sur Azure, c’est accéder directement aux entreprises clientes de Microsoft. Pour Redmond aussi, l’enjeu est réel: se poser en hôte incontournable de tous les modèles d’IA. Mais la stratégie a changé. Plus question de foncer tête baissée. Grok 4 devra attendre.

Pendant que cette petite tempête se joue côté produit, Microsoft continue de remodeler ses équipes IA en interne. Cette semaine, c’est le département Business & Industry Copilot (BIC) de Charles Lamanna qui a été remanié. Depuis juin, il est rattaché à Microsoft 365 Copilot, sous la houlette de Rajesh Jha. Dans un mémo interne, Lamanna a officialisé la création d’Agent 365 comme « initiative produit ». Le but ? Muscler la sécurité et la conformité des agents IA avant de les déployer massivement dans Teams, Outlook ou SharePoint. À la tête du projet, Nirav Shah, un vétéran maison depuis 24 ans. Autre mouvement stratégique, une fusion partielle des équipes Power Automate et Copilot Studio. Les flux d’agents et le CUA de Power Automate passent désormais chez Copilot Studio, sous la direction de Dan Lewis. Certains membres de Power Automate rejoignent la Power Platform. C’est du ménage, mais pas juste pour faire joli. Il faut fluidifier la création et le déploiement d’agents IA.

Et comme Microsoft adore les acronymes, voici les FDE, alias Forward Deployed Engineers. Leur mission, aller directement chez le client pour montrer, prouver et faire adopter les outils IA maison. En clair, moins de commerciaux « slide PowerPoint », plus de profils techniques capables de brancher l’IA en live. Dans le contexte actuel de licenciements ciblés chez Microsoft, le message est clair, l’avenir appartient aux ingénieurs capables de vendre en codant.

Charles Lamanna résume:

« Les FDE deviennent essentiels dans les grandes transformations IA, comme chez Palantir ou OpenAI. »

Traduction: si Microsoft veut rester dans la course, il faut non seulement de bons modèles, mais aussi les bonnes personnes pour les installer, les sécuriser et convaincre les clients. Satya Nadella semble donc avoir compris que dans l’IA, la vitesse sans contrôle, ça finit parfois dans le décor. Grok 4 en est la preuve, pas question de risquer un bad buzz mondial pour une intégration précipitée. Mieux vaut temporiser, tester, resserrer la vis, quitte à frustrer tonton Musk.

Dans cette guerre de l’IA où chaque semaine apporte son lot de nouveautés, Microsoft joue désormais la carte de la combustion lente: monter en puissance, mais avec le frein à main pas trop loin. Après tout, dans le cloud comme en Formule 1, finir la course compte autant que partir plein pot.

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