OpenAI contre-attaque dans la guerre de l’IA open source

Depuis plusieurs années, la Chine a pris une avance sur les États-Unis dans le domaine de l’intelligence artificielle open source. Mais la dernière annonce de Sam Altman, PDG d’OpenAI, pourrait bien rebattre les cartes. Baptisée GPT-oss, cette nouvelle famille de modèles aux poids ouverts marque un retour stratégique pour l’entreprise américaine et un signal clair adressé à Pékin.

Le 6 août dernier, Altman a présenté GPT-oss sur X, affirmant:

« Nous pensons que c’est le meilleur et le plus utilisable modèle ouvert au monde ».

Concrètement, les poids (c’est-à-dire les paramètres qui déterminent le fonctionnement du modèle) sont accessibles, mais pas le code source complet. Il s’agit du premier modèle de ce type proposé par OpenAI depuis GPT-2, en 2019. Pour Ray Wang, directeur de recherche chez Futurum Group, la décision de l’entreprise est en partie motivée par le succès fulgurant de modèles chinois comme ceux de DeepSeek, dont la sortie en janvier a provoqué un véritable choc sur les marchés. Selon lui, GPT-oss a permis de réduire l’écart avec la Chine, grâce à des performances compétitives face aux modèles asiatiques. Toutefois, il rappelle que la Chine conserve une légère avance, grâce à un plus grand nombre de modèles open source performants.

Parmi ceux-ci figurent la série Qwen d’Alibaba, ERNIE 4.5 de Baidu, Kimi K2 de Moonshot, ainsi que DeepSeek V3 et R1. Mais l’arrivée de GPT-oss pourrait pousser ces acteurs à accélérer leurs propres sorties pour maintenir leur suprématie. Wei Sun, analyste en IA chez Counterpoint Research, estime que les entreprises chinoises chercheront surtout à verrouiller leurs écosystèmes autour de plateformes dominantes comme Alipay ou WeChat, afin de monétiser l’usage en aval plutôt qu’au niveau du modèle lui-même. Si les États-Unis ne parviennent pas à combler leur retard, les modèles chinois risquent de devenir la norme mondiale, avertit Nathan Lambert, chercheur senior à l’Allen Institute for AI.

Sans réaction américaine, « les standards de développement de l’IA deviendront chinois », prévient-il.

Les entreprises américaines, historiquement leaders, pourraient alors se retrouver en position secondaire. Pour Lian Jye Su, analyste chez Omdia, la stratégie chinoise dépasse le simple aspect technique. Elle vise aussi à engager les développeurs, influencer les standards et contourner les restrictions d’accès aux technologies américaines. Le récent “America’s AI Action Plan” présenté par l’administration Trump souligne d’ailleurs l’importance de disposer de modèles ouverts fondés sur des valeurs américaines. L’enjeu est évident: s’assurer que ces standards puissent s’imposer à l’échelle mondiale, aussi bien dans les affaires que dans la recherche.

Pour Nathan Lambert, la sortie de GPT-oss représente un tournant culturel. Elle envoie le message que publier des modèles ouverts devrait être la norme pour les leaders du secteur. OpenAI n’est pas seule dans cette démarche. Elon Musk, via xAI, a lancé Grok-1 avec des poids ouverts. Google DeepMind a présenté la série Gemma sur le même principe. Meta, avec ses modèles Llama, a également fait le choix de l’ouverture même si Mark Zuckerberg a récemment laissé entendre que les modèles les plus puissants pourraient ne pas rester tels quels. GPT-oss, lui, ne répond pas totalement pas à la définition stricte de l’open source selon l’Open Source Initiative. Son annonce est plus symbolique que structurelle. Et le calendrier (quelques jours seulement après la présentation du plan américain pour l’IA) laisse entrevoir un objectif autant politique que technologique.

La compétition entre les États-Unis et la Chine sur l’IA open source n’en est qu’à ses débuts. Si Pékin conserve une légère avance aujourd’hui, l’initiative d’OpenAI et la mobilisation d’autres acteurs américains pourraient inverser la tendance. L’enjeu dépasse largement le champ technique, il s’agit de déterminer qui imposera ses valeurs, ses standards et son influence sur l’IA mondiale. Chaque sortie de modèle, chaque ouverture de poids, chaque geste en direction des développeurs participe à ce bras de fer. GPT-oss ne suffira peut-être pas à lui seul à renverser la situation, mais c’est un début. Reste à vérifier si ce mouvement enclenchera une dynamique durable aux États-Unis ou s’il ne fera qu’attiser la course effrénée menée par la Chine.

Mastodon Reddit Qwice