Sous-marin Titan – Révélations d'une catastrophe annoncée

Deux ans après la tragédie qui a captivé et horrifié le monde entier, le voile se lève enfin sur les circonstances exactes de l'implosion du submersible Titan. Dans un rapport final de plus de 300 pages, la garde côtière américaine dresse un portrait glaçant, non pas d'un simple accident, mais d'une catastrophe inévitable, orchestrée par l'hubris d'un seul homme, Stockton Rush, le PDG d'OceanGate.

L'analyse, menée sous tous les angles imaginables, aboutit à une conclusion sans appel: l'homme à la tête de l'expédition était un patron dangereux, profondément désagréable, et à la tête d'une entreprise dont la culture de la sécurité était, selon les termes du rapport, “gravement défaillante”. Le document décrit une société opérant dans une zone grise délibérément entretenue. Elle aurait eu recours à des “tactiques d'intimidation” pour se soustraire à tout contrôle réglementaire, instaurant un environnement de travail “toxique”.

Le Titan lui-même est qualifié de submersible “non documenté, non immatriculé, non certifié et non classé”. Quant à son concepteur et pilote, Stockton Rush, il aurait complètement ignoré les inspections vitales, les analyses de données et les procédures de maintenance préventive. Le résultat fut l'événement catastrophique que nous connaissons: le 18 juin 2023, la coque a cédé sous une pression de plus de 340 bars, écrasant instantanément ses cinq occupants lors de leur descente vers l'épave du Titanic. Le rapport est formel: si Rush avait survécu, il aurait été poursuivi en justice.

Une anecdote, parmi tant d'autres, illustre parfaitement sa personnalité et l'ambiance à bord de ses engins. Rapellons un segment tristement célèbre de l'émission américaine CBS Sunday Morning en 2022, où le PDG présentait fièrement au journaliste David Pogue la commande de son submersible: une simple manette de jeu Logitech F710. “Nous pilotons tout avec ça”, avait-il lancé. Cette dernière n'était pas une nouveauté. Dès 2016, lors d'une plongée sur l'épave de l'Andrea Doria, un incident révélateur s'était produit. Rush, aux commandes du Cyclops I, le prédécesseur du Titan, avait coincé l'appareil sous la proue de l'épave. Incapable de se libérer, il aurait, selon le rapport, “piqué une crise” et refusé toute aide de son copilote. Lorsqu'un spécialiste de la mission a suggéré de passer les commandes, Rush aurait jeté la manette sur son copilote. Ce dernier, une fois celle-ci en main, a réussi à dégager le sous-marin.

Cette tendance à ignorer les protocoles et les avis de ses experts était une habitude. En 2021, lors d'une plongée vers le Titanic, le Titan a subi plusieurs pannes critiques, notamment un dysfonctionnement des moteurs servant à larguer les poids pour remonter. La procédure exigeait de larguer l'ensemble du système. Stockton Rush s'y est opposé, craignant de ne pas avoir de système de rechange pour les missions futures. Son plan ? Retourner se poser sur le plancher océanique et y rester jusqu'à 24 heures, le temps que les anodes sacrificielles de l’appareil se corrodent et libèrent les poids. Bien que la décision finale incombait au directeur de mission, le pilote a imposé son choix, plaçant l'équipage dans une situation dangereuse à une profondeur extrême d'environ 3800 m. L'incident démontrait déjà un mépris dangereux pour l'autorité et une volonté d'opérer avec un équipement défaillant.

La sécurité était le cadet de ses soucis. La vitesse et la facilité primaient sur tout. Il a licencié ceux qui exprimaient des inquiétudes. Un jour, il a ordonné de n'utiliser que quatre boulons, au lieu des 18 prévus, pour fixer le dôme de titane de 1 600 kg du Titan, simplement parce que “cela prenait moins de temps”. Son directeur de l'ingénierie l'a alerté, en vain. En 2021, lors d'une manœuvre, ces quatre boulons ont tous cédé, et l'imposant dôme s'est écrasé sur la plateforme de lancement. Par miracle, personne ne fut blessé.

Le rapport égrène également une litanie d'incidents, comme cette fois où les commandes des propulseurs ont été involontairement inversées, forçant le pilotage de toute la mission à l'envers. Et encore, cette liste ne représenterait qu'une fraction des problèmes survenus. Derrière cette imprudence se cachait une forte pression financière. Pour économiser de l'argent, OceanGate a stocké le Titan à l'extérieur pendant l'hiver canadien, exposant la coque à des fluctuations de température extrêmes. Cette décision, selon les enquêteurs, a directement compromis son intégrité, la coque étant en fibre de carbone.

C'est d’ailleurs elle qui a fini par céder. L'implosion fut si rapide et si violente que la mort des passagers fut immédiate. Le son de l'explosion a mis deux secondes à remonter à travers la colonne d'eau. À cet instant précis, à la surface, l'équipe de communication à bord du navire de soutien Polar Prince a entendu un “bang” provenant de l'océan. C'était le dernier son émis par le sous-marin. Après cela, le silence fut total. La tragédie du Titan n'est pas une fatalité, mais la conclusion logique d'une entreprise bâtie sur le mépris des règles les plus élémentaires de la physique et de la prudence.

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