Trump, catalyseur involontaire – Comment son chaos réveille la tech européenne

Donald Trump voulait remettre l’Amérique au centre du monde. Ironie de l’histoire, en multipliant les coups de boutoir économiques et diplomatiques, il offre à l’Europe l’occasion inespérée de construire un écosystème technologique plus solide et plus souverain. Son slogan « America First » vire peu à peu au « Europe Rising ».

Six mois à peine après le début de son second mandat, le président américain a transformé son pays en terrain miné pour les startups. Tarifs douaniers absurdes, loi « Big Beautiful Bill » qui étrangle les financements verts, restrictions de visas qui font fuir les talents étrangers, c’est toute la Silicon Valley qui subit de plein fouet une politique aveugle, guidée par le populisme et non par la vision. Résultat, là où les États-Unis bloquent, l’Europe se libère. Depuis l’invasion russe de l’Ukraine en 2022, elle savait que la sécurité n’était plus acquise. Mais il aura fallu les provocations et les volte-face de Trump sur l’OTAN et Kiev pour que les investisseurs passent vraiment à l’action. En 2024, les startups de défense européennes ont levé presque 2 milliards d’euros. En 2025, à mi-parcours, elles ont déjà atteint 1,8 milliards. Helsing ou Quantum-Systems incarnent cette vague nouvelle qui associe technologie et indépendance militaire.

Pendant des décennies, les clauses anti-défense des fonds d’investissement ont empêché le capital-risque de se tourner vers ce secteur jugé trop sensible. Mais aujourd’hui, même ces tabous tombent. Une réorientation qui n’aurait peut-être jamais eu lieu sans l’imprévisibilité d’un président américain qui confond alliés et adversaires. Car ce dernier n’a pas seulement fragilisé la défense. Avec son projet pharaonique Stargate, programme de 500 milliards de dollars pour dominer l’infrastructure mondiale de l’intelligence artificielle, il a mis le doigt sur les ambitions hégémoniques américaines. En réponse, l’Europe a décidé de muscler son jeu.

La France et le Royaume-Uni injectent des milliards dans l’IA souveraine. Le champion français Mistral a noué un partenariat stratégique avec Nvidia pour installer des capacités de calcul en Europe. Lors de l’AI Summit de Paris, un engagement collectif de 130 milliards sur cinq ans a été pris pour structurer un véritable écosystème européen. Arthur Mensch, PDG de Mistral, résume bien la situation:

« Les tensions commerciales avec les États-Unis ont accéléré les discussions sur notre indépendance. »

Autrement dit, plus Trump cherche à enfermer l’Amérique derrière ses murs, plus l’Europe s’organise pour construire ses propres routes. Autre effet collatéral, sa politique anti-ESG et la suppression des financements pour l’énergie propre étouffent l’innovation climatique américaine. Une absurdité totale à l’heure où la planète brûle. Mais là encore, l’Europe tire profit de cette fuite en avant idéologique.

L’Union européenne et ses États membres continuent de soutenir massivement la transition écologique. Conséquence: de nombreuses startups climat voient désormais le continent comme un refuge, un espace d’innovation et de financement quand Washington tourne le dos à la réalité. Trump voulait « libérer » son économie des contraintes environnementales, il ne fait que transférer le leadership climatique de l’autre côté de l’Atlantique. Le paradoxe est flagrant, en sabotant ses propres atouts, il nous donne une chance de bâtir enfin une identité technologique cohérente. Là où son Amérique se replie sur elle-même, s’enferme dans ses guerres culturelles et sacrifie son avenir industriel à court terme, l’Europe peut s’affirmer comme un pôle d’innovation responsable, ouvert et stratégique.

En voulant ressusciter une Amérique fantasmée, Donald Trump est en train de miner les bases mêmes de sa puissance technologique. À coups de décrets protectionnistes et de discours populistes, il affaiblit la Silicon Valley, asphyxie l’innovation verte et désoriente ses alliés. Mais ce chaos produit un effet inattendu, il nous force, nous européens, à nous réveiller, à investir, à unir nos forces. Défense, intelligence artificielle, climat: partout, le vieux continent prend conscience qu’il doit miser sur lui-même, et il le fait. Ironie ultime, c’est peut-être l’homme qui voulait « sauver l’Amérique » qui nous aura permis de devenir une puissance technologique souveraine.

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