Romain Leclaire

News Tech et Culture Numérique

Ce qui n'était au départ qu'un cri de colère face à une injustice flagrante est en train de devenir un mouvement citoyen d'une ampleur historique. La campagne “Stop Killing Games” devient un raz-de-marée qui menace de faire trembler les fondations d'une industrie trop longtemps habituée à dicter ses propres règles.

Avec près de 1,45 million de signatures récoltées et en cours de vérification, le message envoyé par les joueurs à travers l'Europe est d'une clarté déconcertante: nous ne sommes plus des consommateurs passifs, nous sommes des citoyens qui défendons nos droits. Tout a commencé par un acte de mépris, un de trop. Lorsque Ubisoft a décidé non seulement de retirer son jeu The Crew de la vente, mais aussi de révoquer purement et simplement l'accès au jeu pour ceux qui l'avaient légalement acheté, une ligne rouge a été franchie. Imaginez acheter un livre, le lire, le placer dans votre bibliothèque, pour que l'éditeur s'introduise chez vous des années plus tard pour le brûler. C'est précisément ce qui s'est produit dans nos bibliothèques numériques. Cette pratique, que l'industrie nomme pudiquement la “fin de support”, n'est rien de moins qu'une dépossession organisée, une négation de notre droit de propriété le plus élémentaire sur des biens culturels que nous avons payés.

Face à cette trahison, la communauté des joueurs a répondu avec une force inouïe. La barre symbolique du million de signatures nécessaires pour une initiative citoyenne européenne a été pulvérisée. Les premières craintes, savamment entretenues par certains détracteurs, concernant la validité de ces signatures ont été balayées d'un revers de main. Les organisateurs de la campagne ont annoncé, après une première analyse, un taux de validité stupéfiant d'environ 97 %. Non, ce ne sont pas des bots ni des signatures fantaisistes. Ce sont 1,45 million de joueurs, de pères et de mères de famille, d'étudiants, de travailleurs, qui ont pris quelques minutes de leur temps pour dire “ça suffit”.

Stop Killing Games: Lobby-Verbände reagieren auf Petition ...

Désormais, la bataille quitte le terrain numérique pour entrer dans l'arène politique, au cœur même de l'Union Européenne. Le processus est enclenché. Une fois les signatures officiellement soumises, la commission disposera de trois mois pour les vérifier. Passé ce délai, les organisateurs remettront en personne ce témoignage de la volonté populaire aux instances dirigeantes à Bruxelles. Un geste symbolique fort pour s'assurer que nos voix ne soient pas noyées dans le brouhaha administratif. La véritable épreuve de force commencera alors. L'Europe aura six mois pour statuer sur le mouvement “Stop Killing Games”. Six mois pour décider si le droit des consommateurs et la préservation du patrimoine culturel vidéoludique pèsent plus lourd que les intérêts financiers de quelques multinationales. Le risque, bien réel, est que cette initiative soit poliment reçue puis classée sans suite, un scénario que les organisateurs refusent d'envisager.

Le combat sera rude. Il faudra déjouer les manœuvres des lobbies de l'industrie, toujours prompts à défendre un modèle économique basé sur l'obsolescence et le contrôle total. Il faudra contrer la désinformation et expliquer aux députés et aux commissaires européens que le jeu vidéo n'est pas un simple produit de consommation jetable, mais une forme d'art et de culture qui mérite d'être préservée. Pour ce faire, les équipes de “Stop Killing Games” vont multiplier les contacts, préparer des argumentaires solides et mobiliser tous les soutiens possibles au sein du Parlement et de la Commission.

Cette lutte dépasse de loin le simple cas de The Crew. C'est aussi une bataille pour l'avenir de la propriété numérique. Accepterons-nous de n'être que des locataires précaires de nos propres biens culturels ? Laisserons-nous des entreprises décider unilatéralement de la durée de vie d'une œuvre ? La réponse apportée par 1,45 million de citoyens européens est un non retentissant. La suite s'écrira dans les couloirs de Bruxelles, mais aussi et surtout grâce à la mobilisation continue de la communauté. Les organisateurs promettent des mises à jour fréquentes via leur canal Discord et Reddit. Plus que jamais, il est nécessaire de rester informé, de partager l'information et de maintenir la pression. L'histoire est en marche, et c'est nous, les joueurs, qui tenons la manette. Nous avons gagné une bataille, mais la guerre pour nos droits ne fait que commencer.

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Spotify n'a jamais caché que sa sauce secrète réside dans l'immense quantité de données qu'il collecte sur ses utilisateurs. De la playlist hebdomadaire personnalisée “Découvertes de la semaine” à l'événement annuel qu'est le “Spotify Wrapped”, nos habitudes d'écoute sont le moteur de l'expérience.

Si la plateforme suédoise fait tout pour nous garder captifs dans de longues sessions d'écoute et vend des publicités basées sur nos goûts, elle préférerait que nous ne mettions pas cette fameuse sauce en bouteille pour la revendre à notre propre profit. C'est pourtant précisément ce qu'un groupe de personnes a décidé de faire, au grand dam de l'entreprise. Récemment, plus de 18 000 utilisateurs de Spotify se sont regroupés au sein d'une initiative nommée “Unwrapped”. Leur objectif ? Monétiser leurs propres données en les vendant à un tiers. Ils ont trouvé un acheteur via Vana, une startup qui permet aux individus de vendre leurs données à des entreprises développant des modèles d'intelligence artificielle. L'idée est simple, pourquoi ne pas tirer un revenu direct de sources de données personnelles jusqu'ici inexploitées, comme les messages privés sur les réseaux sociaux ou, dans ce cas précis, l'historique d'écoute sur Spotify ?

Spotify finally adds lossless audio to premium

Rassemblés en une organisation autonome décentralisée (DAO), ils ont voté pour approuver la vente. Avec un score écrasant de 99,5 % de “oui” parmi plus de 10 000 votants, l'accord a été scellé. Les données, qui concernaient principalement les préférences artistiques, ont été vendues à une société appelée Solo AI, une plateforme de musique assistée par l'IA. Pour ce trésor de données collectives, les utilisateurs ont reçu 55 000 dollars, répartis entre eux sous forme de crypto-monnaie. Le gain final pour chaque participant étant d’environ 5 dollars.

Si l'on considère le temps passé à collecter les données et à convertir la crypto-monnaie, on peut débattre de la rentabilité de l'opération. Cependant, en tant que preuve de concept, l'expérience est fascinante. Elle soulève une question fondamentale: à qui appartiennent réellement nos données ? L'Electronic Frontier Foundation (une ONG internationale de protection des libertés sur Internet basée à San Francisco) met en garde contre cette approche, arguant que vendre soi-même ses informations ne corrige en rien le déséquilibre de pouvoir entre les géants de la tech et les utilisateurs. Ces quelques oboles échangés contre des détails intimes de notre vie ne constituent pas, selon eux, un marché plus équitable.

Spotify, de son côté, voit les choses d'un œil bien différent. La société a informé les développeurs du projet “Unwrapped” qu'ils violaient les conditions d'utilisation de sa plateforme, qui interdisent l'utilisation de son contenu pour l'apprentissage automatique ou les modèles d'IA. Un porte-parole a déclaré que si Spotify respecte le droit à la portabilité des données, la collecte, l'agrégation et la vente de celles-ci à des tiers sont interdites. On peut se demander si l'agacement du service de streaming ne vient pas aussi du fait que des utilisateurs ont réussi à monétiser leurs propres données, alors que lui, peine lui-même à transformer son immense trésor de data en revenus publicitaires conséquents.

Pendant que cette bataille pour le contrôle des données fait rage, Spotify tente de séduire ses utilisateurs sur le front de la qualité audio. L'arrivée tant attendue du format “Lossless” (sans perte) promet une expérience d'écoute supérieure. Mais cette nouveauté est-elle une véritable révolution pour nos oreilles ou une simple manœuvre pour concurrencer des services comme Tidal et Apple Music ? Pour la plupart d'entre nous, qui écoutons de la musique avec des écouteurs sans fil ou via une enceinte Bluetooth, la différence entre le streaming haute qualité de Spotify (320 Kbps) et le nouveau format Lossless sera imperceptible. Pour ceux qui utilisent un casque filaire de qualité ou une bonne installation audio, le gain est par contre réel. La différence entre la qualité normale (96 Kbps) et le Lossless (FLAC 24 bits / 44.1 kHz) est flagrante. Les fréquences aiguës, souvent boueuses en basse qualité, deviennent claires et précises.

Spotify Lossless officiellement lancé : Comment l'activer et profiter ...

Toutefois, le passage de la haute qualité au Lossless offre des rendements décroissants. Pour des genres musicaux comme le hip-hop ou le metal, dont la production est souvent très compressée et saturée, déceler les nuances est un véritable défi. C'est sur des styles plus acoustiques et riches en dynamique, comme le jazz ou la musique classique, que le son non compressé révèle tout son potentiel. Mais profiter de cette qualité supérieure exige quelques efforts. Le streaming Lossless n'est pas disponible via le lecteur web. Il faut utiliser l'application de bureau ou mobile. Plus important encore, le Bluetooth ne dispose pas de la bande passante nécessaire pour transmettre un son sans perte. Il faut donc ressortir son bon vieux casque filaire. Spotify a d’ailleurs été critiqué pour avoir limité son offre à 24 bits / 44.1 kHz, alors que ses concurrents proposent du “Hi-Res Lossless” jusqu'à 192 kHz. Mais n'ayez crainte, vous ne manquez pas grand-chose. La différence entre le Lossless standard et le Hi-Res est si subtile qu'elle frôle l'imaginaire pour la majorité des mortels. De plus, pour en profiter, il faut investir dans un convertisseur numérique-analogique (DAC) externe, un appareil qui peut coûter de quelques dizaines à plusieurs milliers d'euros. Au final, l'offre s'adresse à une niche d'audiophiles équipés. Pour l'utilisateur moyen, elle reste une amélioration subtile, conditionnée par un matériel spécifique.

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C'est une fonctionnalité que beaucoup attendaient, que certains redoutaient et qui a fait l'objet d'intenses débats au sein de la communauté. Aujourd'hui, la nouvelle est officielle, Mastodon déploie enfin les citations de messages ou quote posts.

Dès la semaine prochaine, vous verrez apparaître une nouvelle option en cliquant sur le bouton de repartage (le fameux « boost »), vous permettant d'ajouter vos propres commentaires à la publication de quelqu'un d'autre. Mais ne vous y trompez pas, il ne s'agit pas d'une simple imitation des autres plateformes. Mastodon a pris le temps de concevoir cette fonctionnalité à sa manière, en plaçant la sécurité, le consentement et le bien-être de ses utilisateurs au cœur de sa réflexion.

Au départ, la plateforme décentralisée avait délibérément choisi de ne pas intégrer cette option. La raison était simple et louable: la crainte que les citations ne deviennent un outil de harcèlement, de décontextualisation malveillante ou de “dogpiling”. En février dernier cependant, Mastodon a annoncé un changement de cap. L'équipe a reconnu que l'absence de cette fonctionnalité, si essentielle pour de nombreux internautes, pouvait constituer un frein à l'adoption du Fédivers. Plutôt que de renoncer, ils ont relevé le défi: comment implémenter les citations d'une manière qui soit en accord avec les valeurs fondamentales de la plateforme ?

La réponse réside dans un contrôle granulaire sans précédent, redonnant le pouvoir à celui ou celle qui crée le contenu original. Comme le souligne l'équipe:

« Lorsqu'elle est utilisée de manière responsable, la citation nous permet d'élargir les discussions, de créer de nouvelles connexions et d'amplifier les voix sous-représentées ».

C'est cet idéal qui a guidé le développement. Le déploiement se fera en deux temps. Les utilisateurs des instances phares, mastodon.online et mastodon.social, seront les premiers à bénéficier de cette nouveauté dès la semaine prochaine. Par la suite, la fonctionnalité sera étendue à l'ensemble du réseau avec la mise à jour majeure Mastodon 4.5. Le fonctionnement est intuitif. En cliquant sur l'icône de partage, un nouveau menu apparaîtra, proposant soit de « booster » de manière classique, soit de « citer ». En choisissant la seconde option, la publication originale s'intégrera dans votre fenêtre de composition, prête à être commentée.

Mastodon a également pensé à l'écosystème global du Fédivers. Une spécification technique a été développée pour que cette approche respectueuse du consentement puisse être adoptée par d'autres plateformes. L'équipe prévient que si vous citez un message provenant d'un autre logiciel du Fédivers, un certain délai pourrait être nécessaire pour que le contenu s'affiche correctement, mais il se mettra à jour automatiquement une fois disponible. C'est un appel à une collaboration à l'échelle du réseau pour un web social plus sûr.

Là où Mastodon se démarque véritablement, c'est dans la panoplie d'outils mis à votre disposition pour gérer qui peut vous citer et commenter. Premièrement, vous pouvez définir vos préférences par défaut. Dans vos paramètres, vous pourrez choisir de désactiver complètement les citations pour tous vos futurs messages. Vous pourrez également les limiter, en n'autorisant que vos abonnés à vous citer, ou en réservant ce droit à vous-même. Le réglage par défaut, bien sûr, reste ouvert à tous.

Deuxièmement, ce contrôle s'applique aussi au cas par cas. Pour chaque message que vous écrivez, vous pourrez outrepasser vos réglages globaux directement depuis les options de visibilité du compositeur. Un point important à noter, la visibilité de votre message prime. Une publication destinée uniquement à vos abonnés ne pourra jamais être citée publiquement, garantissant la confidentialité de vos échanges.

Enfin, et c'est peut-être le plus important, vous gardez le contrôle même après la publication. Lorsqu'une personne cite l'un de vos messages, vous recevez une notification. Si la manière dont vos propos sont utilisés vous déplaît, vous pouvez, depuis le menu d'options de la citation, révoquer votre message original. Il disparaîtra alors de la publication de l'autre utilisateur.

Si la situation est plus grave et que vous estimez être victime d'un abus, des mesures plus fermes sont possibles. Bloquer un utilisateur l'empêchera de vous citer à l'avenir. Vous pouvez également modifier les autorisations de citation d'un de vos anciens messages publics pour empêcher toute nouvelle citation, bien que cela ne soit pas rétroactif pour celles déjà publiées.

Mastodon propose une réinterprétation profonde de ce que devrait être une interaction sociale en ligne: un dialogue basé sur le consentement et le respect mutuel. En donnant aux créateurs le dernier mot sur l'utilisation de leurs écrits, le mammouth transforme un outil potentiellement toxique en un levier pour des conversations plus riches et plus sûres. Cette approche réfléchie pourrait bien, une fois de plus, établir un nouveau standard pour l'avenir des réseaux sociaux.

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Understanding xAI: Elon Musk's New AI Company

Il ne faut pas se laisser abuser par la communication tapageuse et les promesses de révolution technologique.

L'épisode récent des licenciements massifs chez xAI, l'entreprise d'intelligence artificielle d'Elon Musk, n'est pas le récit d'un pivot stratégique téméraire. C'est avant tout la démonstration crue et violente d'un style de management toxique, où le chaos sert de gouvernail et le mépris des employés est érigé en principe de fonctionnement. Derrière le masque du visionnaire se cache une fois de plus le visage d'un leader impulsif dont les caprices réorganisent la vie de centaines de personnes sans le moindre état d'âme.

La brutalité de la méthode est une signature. Annoncer à 500 personnes par un simple courriel un vendredi soir qu'elles perdent leur emploi n'est pas un signe d'efficacité, c'est un acte de mépris total. En coupant leur accès aux systèmes dans la minute même, l'entreprise ne se protège pas, elle humilie. Elle signifie à ceux qui ont passé des mois à éduquer son intelligence artificielle, Grok, qu'ils ne sont rien de plus que des ressources jetables, des lignes dans un tableur que l'on efface d'un clic. Ces “tuteurs IA” n'étaient pas des employés superflus. Ils constituaient le socle sur lequel le produit a été bâti. Les sacrifier de la sorte révèle une ingratitude profonde et une vision purement transactionnelle du travail humain.

Ce qui est présenté comme une stratégie mûrement réfléchie ressemble davantage à une semaine de panique et d'improvisation. La séquence des événements qui ont précédé la purge est révélatrice du désordre qui semble régner en maître. Des cadres qui disparaissent des canaux de communication sans explication, des entretiens individuels où l'on demande aux employés de s'évaluer les uns les autres et pour finir, l'absurdité de tests de dernière minute, conçus et annoncés dans la précipitation par un étudiant en congé de son cursus universitaire. Exiger de vos équipes qu'elles jouent leur carrière sur des tests portant sur les “shitposters” avec une échéance de quelques heures n'est pas une méthode de sélection innovante, c'est une farce tragique qui démontre un manque de sérieux et de respect pour les personnes concernées.

Le plus cynique dans cette affaire reste sans doute cette pirouette communicationnelle consistant à annoncer, dans la même soirée, le licenciement de centaines de généralistes et la volonté de décupler l'embauche de spécialistes. Cette manœuvre ne fait qu'exposer la froide réalité. Les employés de la première heure n'étaient qu'un échafaudage humain, utilisé pour construire les fondations avant d'être mis au rebut sans cérémonie. L'histoire de cet employé dont le compte a été désactivé pour avoir osé qualifier la méthode de “louche” est emblématique de cette culture de la peur, où la moindre critique est perçue comme un acte de sédition. C'est la marque d'un leadership qui ne tolère aucune remise en question, même la plus légitime.

L'affaire xAI n'est pas un incident isolé, mais la confirmation d'un schéma déjà observé chez Twitter et ailleurs. Un schéma où la loyauté est à sens unique, où les décisions sont prises sur un coup de tête et où le coût humain est systématiquement ignoré au profit de la narration personnelle du grand homme. On ne construit pas un avenir durable, et encore moins une intelligence artificielle bénéfique pour l'humanité, sur des fondations aussi instables et sur le mépris de ceux qui la bâtissent. Cet événement n'est pas le signe d'un génie stratégique, mais le symptôme d'une culture d'entreprise profondément défaillante, façonnée par l'ego d'un seul homme.

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Spotify vient d’annoncer une messagerie intégrée permettant d’échanger directement des recommandations de chansons, de podcasts et de livres audio sans quitter l’application. Baptisée simplement Messages, elle est déployée progressivement dans certains pays dès cette semaine et sera disponible pour les utilisateurs âgés de 16 ans et plus, qu’ils soient abonnés Spotify Free ou Premium.

L’objectif affiché est de renforcer la dimension sociale de l’expérience Spotify. Jusqu’à présent, les recommandations musicales se dispersaient entre SMS, WhatsApp, Messenger ou encore les réseaux sociaux comme Instagram et TikTok. Avec Messages, le service de streaming musical centralise ces échanges dans un seul et même espace, au cœur de son application, facilitant ainsi la découverte de nouveaux contenus. Il veut, de ce fait, devenir un véritable hub social autour de l’audio.

Le système est conçu pour être simple et intuitif. Lorsque vous écoutez un titre, un podcast ou un livre audio, il vous suffit d’appuyer sur l’icône de partage dans l’onglet En lecture. Vous pouvez alors sélectionner un ami avec qui échanger. Les conversations sont limitées aux contacts déjà liés via Spotify, par exemple dans un forfait famille, ou à travers des interactions antérieures comme les Jams, les Blends ou les playlists collaboratives. Chaque utilisateur dispose d’une boîte de réception Messages, accessible en haut à gauche de l’application, sous sa photo de profil. Tous les contenus reçus et envoyés y sont regroupés, ce qui permet de retrouver facilement un morceau ou un podcast recommandé.

La plateforme insiste sur la sécurité et la confidentialité de cette nouvelle fonctionnalité. Les conversations se feront en tête-à-tête, avec la possibilité d’envoyer du texte, de réagir avec des émojis et de discuter librement autour des contenus audio. Les échanges sont protégés par un chiffrement conforme aux standards de l’industrie, afin d’éviter tout risque de fuite de données. De plus, vous conservez un contrôle total sur vos interactions comme:

  • accepter ou refuser une demande de message,
  • bloquer des contacts indésirables,
  • désactiver totalement la messagerie,
  • signaler un contenu ou un message jugé problématique.

Spotify prévoit également une modération proactive, avec un scan automatique de certains contenus illégaux ou dangereux, et un examen des messages signalés.

L’entreprise précise que la nouvelle option ne vise pas à remplacer les réseaux sociaux existants. Instagram, WhatsApp, Facebook ou TikTok restent les plateformes privilégiées pour partager largement de la musique ou des vidéos. Elle veut plutôt proposer un complément plus intime et centré sur l’audio, un espace où les échanges entre amis ne se perdent pas dans le flux des conversations. La question reste ouverte concernant les artistes: pourront-ils utiliser cette messagerie pour communiquer directement avec leurs fans ? Spotify n’a pas encore donné de réponse, mais une telle ouverture pourrait créer un lien inédit entre créateurs et auditeurs.

L’intégration d’une messagerie interne, même pour les utilisateurs gratuits, représente également une stratégie clé pour la plateforme. Les comptes Free, souvent limités par la publicité et les restrictions, disposent ainsi d’un nouvel outil attractif qui pourrait renforcer leur engagement. Si la fonctionnalité séduit, elle pourrait ouvrir la voie à de nouveaux outils sociaux: groupes de discussion autour d’un artiste, événements interactifs dans l’application, ou encore salons dédiés à des playlists thématiques. L’enjeu est de taille, certains d’entre-vous (et c’est très clairement mon cas) considéreront peut-être Messages comme un simple gadget. Mais d’autres y verront une véritable simplification et un moyen de garder une trace claire de leurs recommandations musicales.

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Depuis l’explosion de ChatGPT et la montée en puissance des grands modèles de langage, l’intelligence artificielle occupe une place centrale dans le débat public et l’investissement technologique. Pourtant, derrière l’enthousiasme médiatique et les levées de fonds record, de nombreux chercheurs estiment que cette approche pourrait avoir atteint ses limites. L’objectif ultime de plusieurs entreprises du secteur reste l’AGI, l’intelligence artificielle générale, une IA capable de raisonner comme un être humain. Mais selon certains experts, les LLM, malgré leurs prouesses, ne sont pas la voie royale vers cette étape décisive.

La sortie de GPT-5 a fait l’actualité. Si le modèle s’avère plus performant que ses prédécesseurs, il n’a pas atteint la révolution promise. Pour les sceptiques, cette déception confirme que la stratégie du « toujours plus grand » n’est pas suffisante. Gary Marcus, chercheur reconnu et critique de longue date de l’approche actuelle, n’a pas mâché ses mots:

« Personne ne peut encore croire que le simple passage à l’échelle mènera à l’AGI. »

Son constat reflète un malaise croissant dans l’industrie, où même certains ingénieurs commencent à douter des échéances ambitieuses avancées par les géants de l’IA. OpenAI illustre parfaitement l’ambivalence du secteur. Devenue la startup la plus valorisée au monde avec environ 60 milliards de dollars levés, elle pourrait bientôt dépasser 500 milliards de valorisation grâce à des ventes secondaires d’actions. Ses produits, comme ChatGPT, attirent près de 700 millions d’utilisateurs chaque semaine, imposant un rythme effréné à la concurrence.

Pourtant, la rentabilité n’est pas au rendez-vous, et l’AGI reste un horizon lointain. La situation est similaire chez Google, Meta, Anthropic ou encore xAI, qui investissent massivement dans les LLM, construisent des data centers colossaux et recrutent à prix d’or. Le fossé entre dépenses et résultats interroge, sommes-nous face à une bulle spéculative de l’IA ? Même Sam Altman a reconnu que l’enthousiasme des investisseurs est probablement excessif. Les marchés, eux, oscillent entre euphorie et inquiétude, comme l’a montré la récente correction boursière de 1 000 milliards de dollars dans le secteur technologique.

Au-delà des aspects financiers, ce sont les limites techniques qui nourrissent le scepticisme. Une étude publiée par Apple en juin, intitulée « L’illusion de la pensée », a rappelé une vérité fondamentale, les LLM ne raisonnent pas, ils reconnaissent des motifs. Ils peuvent briller dans des tâches simples mais s’effondrent dès que la complexité augmente. D’autres chercheurs abondent dans ce sens. Andrew Gelman, de l’université américaine de Columbia, les compare à un joggeur: capables d’avancer longtemps sans effort, mais incapables de sprinter, c’est-à-dire de déployer une véritable pensée logique. À ces limites s’ajoute le problème récurrent des hallucinations. Une étude menée en Allemagne a montré que, selon les langues, entre 7 % et 12 % des réponses générées contiennent des erreurs factuelles. Cette fragilité explique pourquoi la plupart des entreprises imposent toujours une supervision humaine.

Jusqu’ici, la croyance dominante reposait sur les lois du « scaling »: en augmentant la taille des modèles et des données, les performances suivraient. Mais cette approche rencontre désormais un mur. Yann LeCun, directeur scientifique de l’IA chez Meta, affirme que « les problèmes les plus intéressants ne passent pas à l’échelle » et qu’il faut explorer d’autres architectures. Apple souligne également les incohérences profondes de ces modèles, qui peinent à maintenir une cohérence algorithmique sur des problèmes complexes. Quant aux ressources, elles ne sont pas infinies, l’accès à des données de haute qualité devient un enjeu critique, voire une barrière infranchissable.

Alors, l’AGI est-elle pour demain ? Rien n’est moins sûr. Si les LLM continueront de s’améliorer et de s’intégrer dans nos usages quotidiens, ils ne semblent pas en mesure, seuls, de franchir le cap vers une intelligence véritablement générale. L’histoire des technologies regorge de cycles d’euphorie et de désillusion. L’intelligence artificielle n’y échappera probablement pas. La prochaine avancée pourrait venir d’architectures radicalement nouvelles, inspirées d’autres formes de cognition humaine ou biologique. La course à l’AGI ne sera donc pas qu’une simple question de puissance de calcul. Elle demandera une rupture conceptuelle, bien plus profonde que le gigantisme actuel des modèles de langage.

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Le fondateur de Telegram, Pavel Durov, aime se présenter comme un héros moderne de la liberté numérique. Pourtant, derrière cette image d’icône de la vie privée, se cache un dirigeant de plus en plus controversé, accusé de fermer les yeux sur les dérives criminelles qui gangrènent sa plateforme. Son arrestation en France en août 2024 n’était pas une simple erreur judiciaire. Elle illustre au contraire l’immense problème que représente Telegram dans la lutte contre la criminalité en ligne.

Dans un message publié sur X, il a déclaré sans détour: « Je préférerais mourir — aucun tiers n’a accès aux messages privés sur Telegram. » Une phrase choc qui alimente sa légende auprès de ses partisans, mais qui révèle aussi son obsession idéologique, refuser toute coopération réelle avec les autorités, même lorsqu’il s’agit d’enquêter sur des trafics ou des crimes graves. Lorsqu’il affirme que « son arrestation a nui à l’image de la France comme pays libre », Pavel Durov tente de détourner l’attention. La réalité est moins reluisante, Telegram est devenue un refuge pour la désinformation, la propagande et les réseaux criminels. Derrière le discours romantique de la liberté absolue, il se dédouane de toute responsabilité, quitte à mettre en danger des millions d’utilisateurs.

Contrairement à ce qu’il laisse entendre, la justice française n’a pas agi par caprice. En août 2024, il a été inculpé de six chefs d’accusation, dont complicité dans la diffusion de contenus pédopornographiques et le trafic de drogue. Des accusations extrêmement lourdes, qui ne sont pas tombées du ciel. Telegram est régulièrement pointée du doigt pour son rôle dans la prolifération de contenus illégaux, faute d’une modération suffisante. Alors que d’autres plateformes comme Meta ou X collaborent régulièrement avec les autorités, Telegram s’abrite derrière un discours de neutralité pour éviter d’intervenir. Résultat, les groupes criminels prospèrent sur l’application, profitant de son opacité et de son refus obstiné d’agir.

Avec environ un milliard d’utilisateurs actifs dans le monde, le service de messagerie est devenue incontournable. Mais cette croissance fulgurante s’est accompagnée d’un problème majeur, il est aujourd’hui l’un des espaces privilégiés pour la diffusion de contenus violents, extrémistes et frauduleux. En Ukraine et en Russie, il est devenu à la fois un outil de propagande et une source massive de désinformation. Des chercheurs alertent depuis des années sur sa dangerosité, accusé de laisser circuler sans entrave des vidéos choquantes, des messages trompeurs et des communications criminelles. En refusant d’assumer la responsabilité des dérives qui s’y produisent, Pavel Durov donne l’image d’un PDG plus soucieux de son mythe personnel que de la sécurité de ses utilisateurs.

Son parcours est souvent raconté comme celui d’un rebelle face aux régimes autoritaires. En 2013, il a quitté la Russie après avoir refusé de transmettre les données de manifestants ukrainiens au Kremlin, vendant sa participation dans VKontakte, le « Facebook russe ». Ce récit d’exil volontaire sert aujourd’hui de fondement à sa réputation d’homme intègre et incorruptible. Mais cette image flatteuse cache une réalité plus ambiguë. En refusant systématiquement de coopérer avec les autorités (qu’il s’agisse de la Russie, de l’Europe ou d’autres pays) il a choisi de placer Telegram dans une zone grise, où prospèrent criminels et propagandistes. Sa posture de chevalier de la vie privée s’apparente de plus en plus à une stratégie d’évitement destinée à protéger son empire numérique, peu importe les conséquences.

La question centrale est simple: où s’arrête la défense de la vie privée, et où commence la complicité avec le crime organisé ? Pavel Durov refuse de voir cette frontière. Sa vision extrême de la confidentialité transforme Telegram en terrain de jeu pour les pires dérives, sans garde-fous. En proclamant « je préférerais mourir » plutôt que de collaborer, il se place en martyr de la liberté numérique. Mais à quel prix ? Les victimes de cybercriminalité, les familles touchées par les réseaux pédocriminels ou les jeunes ciblés par des trafiquants de drogue via Telegram ne voient pas en lui un héros. Elles voient un patron irresponsable qui refuse d’agir.

En l’arrêtant en août 2024, la France a pris un risque politique et diplomatique. Mais ce geste fort a eu le mérite de rappeler une vérité: aucune plateforme ne peut se placer au-dessus des lois. L’argument de Durov selon lequel son arrestation a terni l’image de notre pays est révélateur de son arrogance. Au contraire, elle a montré que la justice européenne pouvait s’attaquer à des géants technologiques qui se croient intouchables. Le combat judiciaire n’est pas terminé, mais le signal envoyé est clair, Telegram et son patron ne sont pas au-dessus des règles communes. À l’heure où la régulation des géants du numérique devient un enjeu majeur, le cas Durov cristallise toutes les contradictions. Son refus obstiné de coopérer avec les États dévoile le risque d’un Internet livré aux lois du plus fort. Derrière ses phrases théâtrales, il incarne une dérive inquiétante, celle d’une idéologie libertarienne qui sacrifie la sécurité des utilisateurs sur l’autel de la vie privée absolue.

La véritable question est désormais la suivante: combien de temps encore les autorités toléreront-elles ce double discours ? Telegram peut-il continuer à prospérer en se présentant comme un sanctuaire de liberté, tout en hébergeant des réseaux criminels aux conséquences bien réelles ?

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La Silicon Valley adore se présenter comme le temple de l’innovation et de la liberté d’esprit. Mais selon Nick Clegg, ancien président des affaires mondiales de Meta et ex-vice-premier ministre britannique, la réalité est bien moins glamour. Dans un entretien accordé au Guardian pour promouvoir son prochain livre, How to Save the Internet, il dépeint le cœur battant de la tech mondiale comme un lieu étouffant de conformisme, où les milliardaires surcotés se rêvent en victimes. Un portrait au vitriol, signé par un homme qui connaît la machine de l’intérieur.

Oubliez l’image du génie solitaire en hoodie qui réinvente le monde dans son garage. Pour Nick Clegg, la Silicon Valley n’est pas un laboratoire d’idées foisonnant, mais un écosystème où tout le monde copie tout le monde.

« Ils portent les mêmes vêtements, conduisent les mêmes voitures, écoutent les mêmes podcasts, suivent les mêmes modes », lâche-t-il.

Loin d’un terreau d’originalité, la Californie technologique ressemblerait davantage à une cour de récréation géante dominée par l’effet de meute. Un constat piquant quand on se souvient que l’intéressé, avant de rejoindre Meta en 2018, avait passé des années au sommet de la politique britannique. Chef des Libéraux-démocrates, vice-premier ministre de 2010 à 2015, il incarnait alors une figure centriste pragmatique. Son arrivée chez Facebook, rebaptisé Meta, fut perçue comme un coup stratégique: crédibiliser une entreprise embourbée dans les scandales liés aux fake news et à la manipulation électorale. Promu en 2022 à la tête de la communication et des politiques publiques, il a géré des dossiers brûlants, de la modération de contenus aux relations avec les gouvernements. Bref, il a vu le système de près, et il ne semble pas en garder que de bons souvenirs.

Nick Clegg ne s’arrête pas au conformisme vestimentaire ou culturel. Ce qui l’inquiète davantage, c’est la domination de la figure du « tech bro ». Ce stéréotype d’entrepreneur masculin, hyper sûr de lui, un brin arrogant, est devenu l’emblème de la Silicon Valley moderne. Elon Musk, Jeff Bezos, certains podcasteurs influents, tous participent, selon lui, à entretenir une ambiance toxique mêlant virilisme et susceptibilité. Il précise ne pas viser directement Mark Zuckerberg, son ancien patron. Mais difficile de ne pas voir dans son portrait un règlement de comptes implicite avec un milieu où, dit-il, les leaders les plus riches et les plus puissants affichent une combinaison profondément peu attrayante de machisme et d’auto-apitoiement. Autrement dit, un cocktail étrange, une confiance excessive alliée à une tendance à se plaindre dès qu’ils sont critiqués.

C’est sans doute le passage le plus mordant de l’entretien. Pour lui, ces géants de la tech se vivent comme des victimes permanentes.

« On pourrait penser que si vous êtes immensément riche et puissant comme Elon Musk et tous ces autres ‘tech bros’, vous auriez un minimum de recul pour mesurer votre chance par rapport à la plupart des gens », souligne-t-il.

Mais non, au lieu de se voir comme des privilégiés, ils s’imaginent persécutés. Ce sentiment, poursuit-il, nourrit une rhétorique où l’égalité ressemble à une menace.

« Si vous êtes habitués au privilège, l’égalité ressemble à de l’oppression », résume-t-il.

Une punchline qui vise tout autant les déclarations provocatrices de Musk que l’écosystème médiatique qui gravite autour des podcasts de la Silicon Valley, souvent prompt à se poser en rebelles alors qu’ils cumulent argent, pouvoir et influence.

Au fond, la charge de Clegg ne se limite pas à un règlement de comptes. Elle met en lumière une contradiction qui hante la Silicon Valley: d’un côté, l’image d’un lieu de créativité sans limites, de l’autre, une réalité faite d’entre-soi, de mimétisme et de susceptibilité. Pendant des années, les patrons de la tech ont cultivé leur statut de visionnaires intouchables. Mais la défiance grandit. Concentration de pouvoir, manipulation des données, fuite en avant idéologique. La critique n’est plus l’apanage des militants ou des politiques. Elle vient désormais de l’intérieur, portée par des anciens dirigeants, qui osent dévoiler les coulisses peu reluisantes de ce monde.

En publiant How to Save the Internet, Nick Clegg espère visiblement ouvrir un nouveau chapitre de sa carrière, loin de la tour de verre de Meta. Sa critique sonne comme un avertissement: comment prétendre « sauver » Internet quand ceux qui le façonnent sont enfermés dans une culture où la diversité des idées est étouffée par le conformisme et l’ego ? Les voix dissidentes se multiplient, fissurant peu à peu le mythe de la Silicon Valley. Et si la tech voulait vraiment se réinventer, il lui faudrait peut-être commencer par balayer devant sa porte.

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Le changement climatique bouleverse nos océans. La température de l’eau augmente, l’acidité grimpe à cause du dioxyde de carbone absorbé dans l’atmosphère, et de nombreuses espèces marines sont aujourd’hui menacées. Suivre ces transformations est essentiel pour comprendre l’avenir de notre planète. Mais étudier les grandes profondeurs reste compliqué car les technologies actuelles coûtent une fortune et nécessitent des moyens colossaux.

Et si la solution venait des méduses ? Parmi les créatures marines, la méduse lune (Aurelia aurita) intrigue particulièrement les scientifiques. Discrète, translucide, capable de plonger dans les profondeurs sans effort, elle pourrait devenir un véritable allié dans la surveillance des océans. C’est en partant de cette idée que des chercheurs de l’université américaine du Colorado à Boulder ont conçu des méduses cyborgs. Leur objectif, équiper ces animaux de minuscules capteurs électroniques capables de collecter des données essentielles sur la température, l’acidité de l’eau ou encore les courants marins. En d’autres termes, transformer ces êtres marins en explorateurs hybrides au service de la science.

Associer biologie et technologie n’est pas une nouveauté. Dès les années 1990, des chercheurs expérimentaient déjà avec des insectes cyborgs, notamment des cafards, en implantant de petites électrodes pour contrôler leurs mouvements. L’idée était de créer des micro-robots vivants pour explorer des zones difficiles d’accès, notamment après des catastrophes. Depuis, les expériences se sont multipliées: en 2015, des chercheurs américains pilotaient des cafards dans près de 60 % des cas. En 2021, des scientifiques de Singapour atteignaient un taux de contrôle de 94 % avec des blattes équipées de minuscules ordinateurs. Plus étonnant encore, des cigales cyborg japonaises ont récemment été programmées pour jouer de la musique. Ces expériences parfois spectaculaires témoignent d’un domaine de recherche en plein essor, utiliser le vivant comme support technologique. Aujourd’hui, cette démarche franchit un nouveau cap avec les méduses cyborgs.

C’est en 2020 que Nicole Wu, ingénieure à Boulder, a présenté ses premiers prototypes. Son dispositif fonctionne un peu comme un pacemaker: de petites impulsions électriques stimulent les muscles de nage des méduses, ce qui permet de diriger leurs mouvements. Contrairement aux poissons, elles n’ont pas de cerveau. Elles disposent cependant d’un réseau nerveux primitif parfaitement adapté à ce type de stimulation. Et surtout, elles sont extrêmement efficaces. La méduse lune est l’un des animaux les plus économes en énergie de la planète. Comprendre son mode de propulsion pourrait inspirer les technologies marines du futur, comme des drones sous-marins plus respectueux de l’environnement.

Pour aller plus loin, l’équipe de Wu ne s’est pas seulement intéressée à la nage des méduses, mais aussi aux flux qu’elles génèrent. Visualiser ces tourbillons invisibles est possible grâce à une technique appelée vélocimétrie par images de particules (PIV). Elle consiste à illuminer des particules en suspension dans l’eau avec un laser et à suivre leur déplacement pour comprendre les dynamiques de fluides. Problème, les particules traditionnellement utilisées (microbilles de verre, polystyrène, aluminium) sont coûteuses et polluantes. Certaines peuvent irriter la peau, endommager les poumons ou même être ingérées par des animaux marins, avec des conséquences graves. Wu et son équipe ont alors testé des alternatives naturelles et biodégradables, bien plus économiques: levures, algues, lait en poudre, mais aussi différentes formes d’amidon.

Après plusieurs expériences, deux candidats se sont révélés particulièrement efficaces, l’amidon de maïs et l’amidon d’arrow-root. Ces particules biodégradables, peu coûteuses, rivalisent avec les matériaux synthétiques pour visualiser les flux générés par les méduses. L’amidon d’arrow-root s’est distingué par sa capacité à réfléchir la lumière de façon homogène, tandis que l’amidon de maïs a produit des signaux plus importants, utiles pour certaines analyses. Dans les deux cas, la performance est comparable aux matériaux industriels, mais avec un coût et un impact environnemental incomparablement réduits. Ces avancées ne se limitent pas à un simple exercice de laboratoire. Elles pourraient révolutionner la manière dont nous explorons et surveillons les océans. Imaginez des méduses équipées de capteurs parcourant les abysses, collectant en continu des données précieuses sur l’évolution des océans face au changement climatique. Mieux encore, cette approche ouvre la voie à des technologies marines plus durables, inspirées directement de la nature. Les méduses pourraient ainsi devenir des modèles pour créer de nouveaux véhicules sous-marins, économes en énergie et respectueux de l’environnement.

Bien sûr, ces recherches n’en sont qu’à leurs débuts. Mais elles montrent à quel point le vivant peut devenir un partenaire inattendu dans la lutte contre le réchauffement climatique et l’étude des océans. Alors que nos mers jouent un rôle déterminant dans la régulation du climat mondial, comprendre ce qui s’y passe en profondeur est plus urgent que jamais. Les méduses cyborgs pourraient bien être une des clés pour percer ces mystères, tout en nous inspirant des solutions technologiques nouvelles et plus respectueuses de notre planète. Et si la créature que nous pensions fragile et insignifiante devenait, demain, un acteur majeur de la science environnementale ? Les méduses, souvent redoutées ou négligées, pourraient bien se révéler comme les sentinelles de nos océans.

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Il y a dans la Silicon Valley une tendance bien connue, chaque fois qu’une nouvelle technologie surgit, on lui prête le pouvoir de rayer d’un trait tout ce qui l’a précédée. Le « vibe coding », cette approche popularisée par Andrej Karpathy qui consiste à donner des instructions à une intelligence artificielle pour qu’elle génère du code, n’échappe pas à cette règle. Certains commentateurs y voient déjà la fin des logiciels de productivité tels que nous les connaissons. Une vision, à mon sens, simpliste et surtout erronée.

Car l’histoire de la technologie en est la preuve. Les grandes innovations ne se substituent pas immédiatement aux outils existants, elles les transforment et les complètent. Reid Hoffman, cofondateur de LinkedIn, l’a rappelé récemment dans son podcast Possible. Quand le mobile a explosé au début des années 2010, beaucoup ont cru que le PC allait disparaître. Résultat, non seulement l’ordinateur personnel existe toujours, mais il continue de jouer un rôle central, notamment dans les usages professionnels. Le mobile n’a pas tué le PC, il l’a simplement obligé à se réinventer.

Le même raisonnement vaut pour le vibe coding. Imaginer que cette pratique va effacer les logiciels de productivité relève d’un réflexe exagéré, presque pavlovien, qui confond nouveauté et remplacement. Oui, le vibe coding va prendre de l’ampleur. Oui, il deviendra sans doute une compétence recherchée dans les métiers du développement. Mais il ne rendra pas obsolètes les outils qui structurent notre quotidien de travail: les suites bureautiques, les logiciels de gestion de projets, les plateformes collaboratives. Au contraire, il pourrait bien les renforcer en automatisant certaines tâches répétitives et en libérant du temps pour ce qui compte vraiment, la créativité, l’analyse, la stratégie.

En réalité, les annonces de « mort » technologique en disent souvent plus sur notre fascination pour le futur que sur l’avenir réel des usages. Nous aimons l’idée de rupture radicale, presque hollywoodienne, où une innovation balaye tout sur son passage. Pourtant, la technologie progresse rarement de cette façon. Elle procède par couches, par ajustements successifs, par hybridations. L’IA et le vibe coding ne feront pas exception. Ils viendront enrichir nos outils existants au lieu de les reléguer au musée numérique.

Il est d’ailleurs révélateur que Reid Hoffman, investisseur aguerri, insiste sur la coexistence plutôt que sur l’opposition. De son point de vue, miser sur une technologie émergente ne signifie pas tourner le dos aux infrastructures établies. Celles-ci persistent souvent plus longtemps qu’on ne le croit. Et lorsqu’elles déclinent, c’est rarement à cause d’une nouveauté soudaine, mais parce qu’elles n’ont pas su évoluer.

En fin de compte, la vraie question n’est pas de savoir si le vibe coding tuera les logiciels de productivité, mais comment ces deux mondes vont dialoguer. Si l’histoire nous apprend quelque chose, c’est que la productivité ne disparaît pas, elle change de forme. Alors cessons d’annoncer trop vite la fin d’outils qui, loin d’être condamnés, trouveront une nouvelle jeunesse au contact de l’intelligence artificielle.

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